Laponie suédoise. Des corbeaux et des loups. Des rennes et des rêves.
En pleine période du marquage des faons, un troupeau de rennes est décimé le long de la voie ferrée qui transporte le minerai de fer. Nina Nansen et Klemet Nango, enquêteurs de la police des rennes, se retrouvent au cœur d’un conflit qui déchire un clan d’éleveurs sami.
Il y a aussi Anja, une jeune Sami marginalisée, à qui on a confié le pouvoir de tuer. Anja, celle qui voulait écouter les pierres de la toundra. Celle qui ne veut plus se taire. Celle qui ne veut plus plier. Celle qui voudra inventer le grand récit. Face à une colonisation qui ne dit pas son nom, elle va entrer en résistance. Avec ses propres méthodes. Et ses démons qui vont croiser ceux de Klemet.
Les enjeux énormes des terres rares et de la survie des Sami en tant que peuple se télescopent. Pour assurer la transition énergétique, faudra-t-il sacrifier ce peuple d’éleveurs de rennes ? Dans le paysage incroyable d’un solstice d’été dans le Grand Nord, Olivier Truc nous raconte avec un talent irrésistible les luttes du pays sami. Un thriller magnifique.
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Un coup de maître, une intrigue qui vous prend aux tripes ! Ce nouvel opus puise dans la mémoire de ces terres australes et ouvre sur l’avenir avec un personnage éclatant – Anja – jeune sami qui réunit magistralement les contradictions d’une société en quête d’avenir …Alexandre Poirier
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Polar boréal : Le plaisir de retrouver la police des rennes en pays sami ! A l'œuvre, la plume précise et si évocatrice d'Olivier Truc pour dire les nouveaux enjeux écologiques et politiques, le conflit entre industriels et éleveurs, la technique ancestrale du marquage des faons, le mouvement ondoyant des troupeaux à travers la toundra sous la lumière poudreuse du soleil de minuit. Quel voyage !Marie Hirigoyen
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Olivier Truc, je le suis depuis toujours. Parole de libraire et de lectrice. D’émerveillement en coups de cœur, je ne suis jamais déçue. La police des rennes, l’Imposteur, Les sentiers obscurs de Karachi, Le cartographe des Indes Boréales, je le laisse à chaque fois m’emporter sur des sentiers différents. Et quand je referme la dernière page du livre, j’attends gloutonnement le suivant. Le premier renne. Olivier Truc signe un chef-d'œuvre, mêlant enquête policière et fresque historique, avec une finesse rare. Ce roman nous plonge au cœur de la Laponie, sur les terres majestueuses du territoire sámi, où les éleveurs de rennes se battent pour préserver leurs coutumes face aux spoliations et à la quête effrénée de terres rares. La plume de l’écrivain, aussi cinématographique que poétique, magnifie les paysages glacés et mystérieux de ces contrées, tout en nous emmenant sur les traces de personnages d'une humanité bouleversante. Klemet, Nina, Anja, Joseph et Elena sont autant d’âmes attachantes qui, à travers l’intrigue de crimes mêlés à un possible suicide, loupent rarement une occasion de nous rappeler la profondeur des conflits identitaires et des manœuvres sordides qui les entourent. L’histoire résonne comme un cri d’alarme quant à la disparition des traditions et à la fragilité des clans, tandis que le marquage des rennes, rituel millénaire, symbolise à la fois la résistance et l'effacement d'une culture. Le loup, omniprésent, devient le miroir de l'âme humaine : tantôt protecteur, tantôt destructeur. Avec tendresse et talent, Olivier Truc éveille la conscience de ses lecteurs tout en les happant dans une intrigue haletante où chaque outrage aux rennes est une métaphore des outrages faits aux peuples et à leur identité. Une œuvre profonde, à la fois sensible et intense. Bravo Olivier Truc!Marie Hirschsprung
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Nous retrouvons Klemet et Nina, policiers des rennes, confrontés à un grave accident grave : Un train impossible à arrêter a tué des rennes qui passaient tranquillement le lichen. Ce train, rempli de minerai de fer, accroît la richesse du pays au détriment du peuple Sami qui a besoin de terrain pour l’élevage des rennes. Jusqu’au moment où, dans la toundra, nous découvrons un jeune éleveur avec une balle dans le cœur. Le ton monte monte entre dirigeants et éleveurs. Serait-ce de l’intimidation ??? Nous retrouvons également du sel sur les rails pour y attirer les rennes, ce massacre est donc voulu… MAIS PAR QUI ? Anja, la sœur du défunt, se pose des questions et comprend les manigances… Ce polar passionnant à dimension ethnique, très documenté comme sait si bien les écrire Olivier Truc, nous dépayse totalement et nous plonge dans une atmosphère inconnue : il fait jour pendant 24 heures et tout le monde est à cran. PUR RÉGAL, tension juste ce qu’il faut, une intrigue comme on aime !Lydie Zanini
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Embarquez pour une destination lointaine à l’heure où le soleil ne se couche jamais au sein du peuple sami : la Laponie suédoise et faites connaissance avec la police des rennes aux missions peu communes. Olivier Truc nous plonge encore une fois avec brio dans son univers Lapon.Emilie Chaudeur
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Le premier renne signe le grand retour d'un duo emblématique de la police des rennes découvert dans le Dernier lapon, Nina Nansen et Klemet Nango. En Laponie suédoise, à Kiruna c'est l'heure du solstice d'été et le temps pour les éleveurs de marquer les faons. Des rivalités et de nombreuses menaces planent sur les samis et les rennes et des drames risquent de mettre en péril cet événement. C'est à un véritable voyage que nous convie Olivier Truc au cœur d'une nature sauvage totalement dépaysante. C'est aussi une plongée sociale au cœur du difficile quotidien des éleveurs mais aussi des enjeux stratégiques affectant la région et mettant en péril leur avenir. Un roman noir foisonnant comme on les aime avec des personnages complexes et des thématiques fortes nous permettant de mieux comprendre la culture sami.Caroline
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Olivier Truc, le romancier qui murmure le mieux à l'oreille des rennes, laisse un écho profond dans celle des lecteurs. Comme les éleveurs marquent leurs rennes d'une incise à l'oreille, Olivier Truc pose une empreinte unique, indélébile, inégalable et fascinante sur le polar polaire. "Le premier renne", par le premier des auteurs de polars polaires. Un roman vaste comme un fjord, profond comme une mine de métaux rares, intense comme le soleil au solstice, aussi ample que le pas souple et majestueux d'un renne.Manuel Hirbec
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Olivier Truc nous plonge en plein cœur de la Laponie, de ses vastes étendues, de ses éleveurs et de sa brigade des rennes. Entre us et coutumes méconnus, questionnements écologiques ou réflexion sur la disparition progressive des traditions, l'univers d'Olivier Truc rafraîchit le paysage du polar français.Flore
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"D’une écriture dense, mais laissant place à une poésie rugueuse, Le Premier Renne vous emporte dans un tourbillon de conflits d’une incroyable dureté. […] Le Premier Renne est un vrai polar, une formidable manière de découvrir la réalité d’une région et une galerie de portraits de personnages forts, durs, constamment au bord de l’explosion. Le tout dans ce solstice d’été où la nuit n’existe plus et où les loups ne sont pas toujours ceux qu’on pense…"Jean-Marie WynantsLe Soir (Belgique)
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"Refusant les descriptions pour voyageurs en goguette, Olivier Truc nous plonge dans l’étude passionnante d’un territoire compliqué qui lutte pour sa survie. Il n’oublie jamais qu’il est documentariste en refusant l’approximation. Ses personnages apportent une émotion forte et certaines scènes, comme le marquage des faons en plein solstice d’été, sont bouleversants autant que précis. Ce Premier Renne est une étape importante dans son travail romanesque et dans notre plaisir de lecteur." Lire l'article iciChristine FerniotLibération
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"Ce copieux polar très bien mené présente l'intérêt de nous familiariser avec des enjeux cruciaux bien qu'absents des gros titres internationaux." Lire l'article iciIsabelle LesniakLes Echos
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"Avec Olivier Truc, on est dans une colonisation qui ne dit pas son nom, on est dans le pillage de richesses d’une minorité légitime au profit d’une majorité vorace, aux abois, ivre d’un confort qu’elle redoute de perdre. Gavée de discours pontifiants sur une écologie toujours à sens unique. Avec des personnages toujours aussi attachants, d’autres plus nouveaux et perturbants, Olivier Truc laisse une trace blanche et rouge de plus en plus féroce et romanesque au-delà du cercle polaire. Grandiose." Lire la chronique iciBlog La Vie en noir
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Lire l'article iciSite Version Femina
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"Olivier Truc nous raconte avec un talent irrésistible les luttes du pays sami. Un thriller magnifique, dépaysant et passionnant."Stéphanie EschenlohrIci Paris
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"On retrouve ici toutes les qualités de cette série instructive et dépaysante. Avec une histoire bien menée et des personnages que l’on a plaisir à retrouver." Lire la chronique iciBlog Actu du noir
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Lire la chronique iciSite ActuaLitté
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"Une intrigue complexe et aux enjeux bientôt vertigineux à travers laquelle Olivier Truc, le plus nordique des auteurs français, poursuit sa passionnante auscultation du dernier peuple autochtone d’Europe, rempli d’enjeux géopolitiques et de zones grises, avec un sens inné de la documentation qui n’occulte pas un sens du récit qui s’est lui développé et bonifié de livre en livre."Olivier Van VaerenberghFocus Vif (Belgique)
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"Avec son roman Le Premier renne, Olivier Truc nous invite à faire connaissance avec le dernier peuple autochtone d’Europe, à suivre ces nomades et leurs troupeaux de rennes, comprendre les enjeux autour des gisements de terres rares." Lire la chronique en entier ici : "Le premier renne" de Olivier Truc : les terres rares et convoitées de l'ethnie Sami - Benzine MagazineBruno MénétrierBenzine Mag
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"Une enquête glaçante en terrain miné." L'article à lire ici : “Le Premier Renne”, cinquième polar lapon d’Olivier Truc : une enquête glaçante en terrain miné (telerama.fr)Yoann Labroux SatabinTélérama
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"[Olivier Truc] installe des personnages forts dans un univers unique, où une forme d’onirisme et de spiritualité résiste face à la modernité."Jerôme CarronPoint de vue
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"Magnifïque !"Florence DalmasLe Dauphiné Libéré
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"Ecologie, économie, traditions, discriminations… Le dernier livre d’Olivier Truc, Le Premier Renne, est d’une grande ambition. Le romancier nous donne à voir derrière la carte postale. En plus du dépaysement, il saisit la folie des hommes saisis par le profit immédiat. […] Olivier Truc nous fait un immense cadeau avec le personnage d’Anja […] Un thriller brillant." À lire en entier ici.Mohamed BerkaniFrance info
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" Captivant, brillant, intelligent."Fabien JouatelOuest France
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"En Laponie suédoise, les terres rares sont convoitées. Au nom de l'écologie, on extrait, transporte et décime les troupeaux de rennes gardés par les Samis, ancestrale communauté de nomades autochtones. Deux enquêteurs se penchent sur des morts, animales d'abord, puis humaines. Au cœur des massacres, l'exploitation des ressources. Cet opus, très noir, de l'excellente série d'Olivier Truc présente Anja, une Samie marginalisée à la reconquête de ses origines, qui explore un nouveau pan de l'histoire de ce peuple, si riche, si tourmentée."Elise LépineLe Point
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"Ce thriller est remarquablement bien écrit et l’ambiance très bien rendue. C’est une véritable réussite. Un roman immersif, captivant et servi par une très belle plume. À découvrir." Lire la chronique complète iciBlog Ma voix au chapitre
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"La plume de Truc est à la fois poétique et incisive, capturant les nuances du paysage lapon et l’intensité des sentiments des personnages." Lire la chronique complète iciBlog Culture vs news
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"J’ai adoré circuler en motoneige ou en quad sur les traces d’Anja, du loup, des corbeaux qui sont en symbiose avec les loups, dans ces paysages magnifiques et partager les colères et les combats d’Anja, les récits de sa grand-mère qui parle avec la Terre, les pierres et chante…" Lire la chronique complète iciBlog Les livres d'Eve
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"Un polar instructif et accrocheur." Lire la chronique complète iciBlog Kitty la mouette
AVERTISSEMENT
Dans Le Premier Renne est évoquée la notion de sameby, littéralement “village sami” en suédois. Un sameby n’est pas un village physique en tant que tel mais représente un vaste territoire qui délimite l’aire de travail d’un groupement d’éleveurs de rennes qui ensemble élèvent, surveillent, marquent et abattent un nombre donné de bêtes, décidé par les fonctionnaires des préfectures.
Le campement de Ránnjáriika (“pays voisin” en sami du Nord) et le système d’enclos de Golsolaš (“vagabond” en sami du Nord) sont fictionnels, mais rien ne vous empêche de partir à leur recherche sur les sentiers de Sápmi, la Laponie, quelque part entre Karesuando et Nasafjäll, cette terre aura toujours tant d’histoires à raconter…
Prologue
Il poussa des ailes, bec tendu, agressif. Élégant aussi. Ou racé. Battit l’air, et encore, et encore, puissant, vira. Le soleil chauffait son plumage noir de jais. Reflets violets, bel effet. Il revint dans l’axe du cadavre. Observa. Yeux noirs charbonneux, intenses.
Sans être plus avancé.
Il n’avait jamais mangé d’humain.
Il croassa, sincère. Quelqu’un avait essayé ? Aucun corbeau ne répondit. Ça devait signifier non.
Poussa des ailes, encore. Se donner du temps.
Que disait la montagne ? Que disait le vent ? Que disait la rivière ?
Pas de réponse.
Saurait-il bouffer de l’humain ?
Il connaissait les humains. Les observait, parfois. Pas d’avis sur eux.
Est-ce qu’on avait un avis sur les corbeaux ? Pareil.
Pas besoin.
Juste savoir si on pouvait le bouffer.
Bouffer du corbeau, il savait faire. Faute de mieux.
Pas grand-chose à bouffer, mais il savait faire.
Mais un humain ? Plein à bouffer. Mais comment on s’y prenait ?
Il reprit de l’altitude.
Il y avait un autre humain à côté. Et ça, ça compliquait tout. Est-ce que l’autre humain, debout, allait lui bouffer son cadavre ?
Il croassa. L’humain debout ne répondit pas. Il croassa encore, en vol plané. L’humain debout leva les yeux vers lui.
Ça progressait.
Il atterrit. À bonne distance. L’humain debout le regardait. Il allait bouffer l’autre ou pas ? Ça ne gênait pas le corbeau, il ne pourrait jamais bouffer tout ça tout seul. Même en appelant les autres.
Et puis il avait besoin de l’humain debout pour déchirer la chair de l’autre.
À vue de bec, il n’y arriverait pas seul.
L’humain debout se détourna. Agita la main. Agressif. Il reprit son envol. Reprit ses cercles. Il avait le temps. L’humain debout ne voulait pas partager. Le corbeau comprenait. C’était pareil avec les loups. Ils ne voulaient pas partager. Mais il restait toujours à bouffer pour lui.
Fallait juste être patient.
Le temps passait. Et l’humain debout ne bouffait pas le cadavre. Bizarre.
Pire, il partait. Sans rien bouffer. Vraiment bizarre. Ça sentait le piège. Il irait bien goûter les yeux, pour voir. Mais l’humain debout était parti sans même bouffer un œil, c’était bizarre.
Il se demandait maintenant s’il devait faire appel aux autres corbeaux. Ils restaient à distance.
Il ferait mieux d’appeler un loup.
Il en avait repéré un, pas loin, un jeune loup. Il avait l’air maigre. Il devait avoir faim. Il ferait un bon partenaire. Le loup irait déchiqueter le cadavre. Le corbeau n’aurait plus qu’à se servir, quand le loup serait repu. Il lui laisserait même les yeux, pour le remercier de l’avoir prévenu.
Il appela le loup.
1
Vendredi 23 juin.
24 heures d’ensoleillement.
Route E45 vers Karesuando, Laponie suédoise. 13 heures.
Klemet Nango roulait depuis presque deux heures au volant de son pick-up de la police des rennes. Sa colère n’était pas retombée. Peu de temps après être sorti de Kiruna, alors qu’il n’était pas encore arrivé à l’embranchement de Vittangi, avant de remonter plein nord, il avait failli percuter deux types en quad qui sortaient de nulle part et traversaient la route en se pensant seuls au monde. Pour la première fois depuis le départ de son poste précédent, il avait dressé des PV. Les deux types étaient bourrés et avaient commencé à célébrer midsommar, le solstice d’été, depuis un moment déjà, à en croire leur haleine.
Un tel jour, en temps normal, Klemet n’aurait peutêtre pas verbalisé, mais l’un des gars avait commencé à l’insulter en voyant la voiture siglée “Police des rennes” et en entendant son accent norvégien. “Va te faire foutre, flic lapon de merde”, avait crié le type, arrachant des ricanements gras à l’autre. Les deux revenaient apparemment de la pêche et comptaient sûrement continuer à fêter midsommar à Kiruna en grillant leurs poissons avec leurs potes et en éclusant bières et aquavit. À voir leurs combinaisons, ils devaient travailler à la mine de LKAB ou pour des sous-traitants. Typiquement le genre de gars qui s’estimaient tout permis en Laponie, “parce que c’est nous qui faisons la richesse de cette putain de région !” Inutile de les raisonner, surtout dans cet état.
Et puis Klemet avait d’autres soucis.
Berit Kutsi l’avait appelé le matin même, avec une voix inquiète. Klemet avait aussitôt imaginé le pire. Il connaissait trop bien sa vieille amie pour prendre un tel appel à la légère. Berit et lui avaient grandi ensemble à Kautokeino, le cœur de la Laponie norvégienne, à quelques heures de voiture au nord de Kiruna. Là où Klemet, après avoir commencé à travailler dans un garage, avait finalement rejoint la police et connu d’autres horizons, Berit n’avait jamais quitté le village. Sortie de l’école vers l’âge de onze ans. Femme de peine et de prières, vivant dans la crainte de Dieu, et parfois des hommes, et même parfois des hommes de Dieu. Une brave qui à sa façon veillait, comme elle disait, sur les âmes faibles du vidda, ces hauts plateaux de Laponie. Et sur les âmes pures. Klemet ne savait pas toujours dans quelle catégorie se ranger. Mais il pouvait compter sur elle. Berit gardait pour lui depuis plus d’un an déjà un renne, une femelle, qu’on lui avait confié peu de temps après sa naissance. Dans le plus grand secret. Car Klemet, tout flic qu’il était, se trouvait dans l’illégalité. Pour posséder un renne, il fallait avoir une marque, ces tailles aux oreilles des rennes qui permettaient d’identifier le propriétaire. Et la loi était claire : pas de marque, pas de renne.
Depuis un an, Berit, qui habitait un peu à l’écart sur les hauteurs de Kautokeino, avait pu garder le petit renne dans l’enclos fermé aux yeux des curieux. Avec le temps, l’animal s’était adapté à sa vie recluse, et Berit avec lui. Elle le sortait la nuit de longues heures pour qu’il connaisse l’herbe et le lichen, les champignons et l’eau des rivières. Pour qu’un jour, quand il retrouverait la liberté, il ne soit pas perdu. Pour l’instant, c’était Klemet le seul à être perdu.
Il repoussait de mois en mois le moment où il devrait prendre une décision. Le coup de fil de Berit risquait de l’accélérer. Un voisin éleveur de rennes, qui voulait se plaindre de Berit pour une histoire d’entretien du cimetière qu’il n’estimait pas à la hauteur de l’importance de sa famille, s’était rendu chez elle, et en son absence il avait découvert le renne non marqué. Berit n’avait rien voulu raconter de plus, même pas le nom de l’éleveur, quand elle avait dit à Klemet qu’il fallait qu’il vienne d’urgence à Kautokeino, mais la chaleur qui lui montait au front valait toutes les alarmes. Il était dans la panade. Il approchait maintenant de Karesuando, la petite ville frontière entre Suède et Finlande. Il avait son rituel sur la route Kiruna-Karesuando-Kautokeino, ses trois K. Trois à quatre heures de trajet, suivant le temps, Karesuando à michemin exactement, il lui restait près d’une heure et demie de route, et il s’arrêtait toujours pour manger un morceau
au Rajacafé, le café de la frontière, côté finlandais.
Attablé devant son hamburger-frites, il regardait par la fenêtre les voitures qui défilaient à la station-service voisine. Chaque arrêt côté finlandais éveillait le souvenir de son grand-père, Johan Mathisen, le dernier berger de la famille. Le dernier, donc, à avoir possédé la marque. Cette fichue marque qui obsédait Klemet. Il s’était mis en tête de la récupérer auprès de l’administration norvégienne, mais se heurtait jusqu’à présent à un mur. Faute de pouvoir prouver que sa famille avait élevé des rennes. Fichue paperasserie…
Il secoua la tête au-dessus de son assiette, grognant tout seul, se fichant de ce que ses voisins, une famille finlandaise avec trois marmots, pouvaient en penser. C’est à cause des tracés de frontière et du durcissement des réglementations que son grand-père, qui avait perdu des pâturages précieux côté finlandais, avait été forcé d’abandonner l’élevage en Norvège, n’ayant pas de quoi faire paître ses bêtes côté norvégien. Et ça, le grand-père ne s’en était jamais remis.
Il but une gorgée de sa bière sans alcool. Faudrait qu’il trouve à boire du plus costaud ce soir. À la santé de grand-père Johan Mathisen, dernier berger de la famille.
Il devrait être de retour dimanche soir à Kiruna pour reprendre son service lundi. Il aurait peut-être le temps de commencer à s’occuper enfin sérieusement de cette histoire de marque. Sinon il n’aurait plus d’autre solution que de se séparer de son renne. Et ça, il n’en était pas question ! Il tapa du poing sur la table. À côté, les gamins finlandais sursautèrent et se mirent à le dévisager bizarrement.
– Ne regardez pas le monsieur, dit le père d’une voix rude.
Non, pensa Klemet, ne me regardez pas… Vous ne savez pas ce que vous trouveriez…
Il se leva, fit le plein à la station Neste Oil, et sortait du village pour s’enfoncer dans la forêt finlandaise quand son téléphone sonna. Tor Jensen, le chef de la police des rennes au quartier général de Kiruna. Klemet crut d’abord qu’il lui demandait de revenir s’occuper de beuveries qui commençaient à déraper. Et il y avait un peu de ça, mais en pire.
– Deux abrutis qui se sont crus malins en voulant faire du rodéo avec un renne, annonça le commissaire. Au beau milieu des éleveurs qui rappliquent en ville avant le marquage, tu vois le bordel que ça va foutre… Tu files là-bas, tu fais le constat, tu calmes tout le monde, parce qu’un jour comme ça, avec ce que les mecs s’enfilent dans le gosier… tu m’as compris…
Klemet comprenait.
– On a leur nom ?
– Pas moi, mais c’est deux mecs en quad avec des combinaisons de techniciens, ils étaient vers Vittangi. Bande d’abrutis, sûrement des mecs qui ont commencé à fêter midsommar.
Klemet sentit les ennuis arriver. Ce devait être les deux types qu’il avait verbalisés le matin. Normalement, vu leur état d’ébriété, Klemet aurait dû leur interdire de reprendre le volant de leur quad et les obliger à commander un taxi. Ça allait lui retomber dessus.
Il fit demi-tour, repassa devant le café où le père embarquait sa marmaille dans la Volvo qui traînait une caravane. Il appela Berit. Lui expliqua.
– Tu reviens quand ? demanda son amie, avec une voix tendue qu’elle tentait maladroitement d’adoucir.
– Demain, peut-être. J’aurai quand même le temps de faire l’aller-retour avant de revenir dimanche soir à Kiruna. Ou, au plus tard, lundi matin.
– Tout sera fermé à Kautokeino ce week-end, tu sais bien.
– Je sais, mais… Suoivvanas, elle va bien ?
Klemet sentit que sa question était stupide. Il s’était trop attaché à ce renne, au point de le baptiser. Ombre. Suoivvanas en langue sami du Nord. Demander si elle allait bien, comme si son renne pouvait réaliser ce qui se jouait.
Klemet pouvait deviner le sourire désolé de Berit. Elle s’inquiétait pour lui. De s’être mis dans un sacré pétrin. De ne pas savoir où était sa place dans ce monde. Heureusement que Nina n’était pas là, elle se foutrait de lui, sans la pudeur de Berit qui prolongeait le silence, mais qui, comme d’habitude, lisait dans ses pensées.
– Elle est là.
Klemet fronça les sourcils. Il franchissait le pont qui enjambait la frontière, avec la petite église de Lars-Levi Laestadius sur sa gauche, déjà de retour côté suédois.
– J’espère bien que Suoivvanas est encore là, tu n’as pas dit que l’éleveur l’avait embarquée, si ?
– Nina est là…
Ce fut au tour de Klemet de rester sans voix.
Nina, dont il avait été le premier coéquipier dans la police des rennes lorsqu’ils avaient travaillé en binôme à Kautokeino. Il ne l’avait pas revue depuis Kirkenes, qu’il avait quitté quelques mois auparavant. Il avait dû menacer de quitter la police des rennes car il ne supportait plus de bosser avec Kujala, son binôme finlandais.
Il s’était fait affecter au quartier général de la police des rennes à Kiruna, histoire de s’éloigner de Kujala et de se ressourcer. Nina avait de son côté décidé de quitter son poste d’inspectrice de la frontière le long de la Russie. Elle devait sûrement rendre visite à son père qui habitait toujours chez Berit. Pouvait-il s’agir d’une coïncidence, qu’elle soit là au moment où lui-même devait y retourner après des mois d’absence ? Bien sûr, elle et lui étaient amenés à se revoir très bientôt. Mais Klemet n’avait pas prévu de retrouvailles dans ces conditions.
– Elle reste combien temps ?
Klemet était sorti de Karesuando et roulait vers le sud. Il avait encore près de deux heures de route jusqu’au lieu de l’accident. Berit avait dû saisir le ton de sa voix.
– Klemet…
– Berit, ce n’est pas ce que tu crois…
Il raccrocha. La colère de tout à l’heure était passée. Restait le paysage qui défilait. Celui auquel son grandpère avait dû renoncer. Rebrousser chemin en Finlande lui laissait un arrière-goût amer. Qu’est-ce que son grand-père avait ressenti quand il avait dû renoncer à emmener ses rennes sur les pâturages finlandais ? Sentiment d’abandon ? De ne pas être à la hauteur ? De trahir la famille, le clan, le troupeau, la culture ? Oui, même si Klemet ne buvait pas, il trinquerait à sa santé ce soir.
Et à celle de Nina.
2
Quelque part dans la toundra, environs de Kiruna, Laponie suédoise. 13h30.
Anja respirait calmement. Maîtrise, contrôle. Silence. Elle observait les mouvements sur la crête à travers la lunette de sa carabine Winchester calibre 243. Elle préférait ça aux jumelles dont elle n’aimait pas s’alourdir. Légèreté, fluidité, rapidité. Prête à poursuivre. Prête à fuir. Elle aimait le poids de sa carabine. Pas l’arme en elle-même. Elle n’aimait pas les armes. S’en foutait. L’arc, ça correspondrait mieux à sa nature. Mais l’arc avait un défaut. Trop léger. Le poids de la carabine, au moins, lui rappelait son pouvoir et sa mission. Pouvoir de tuer. Le poids, pour se souvenir que tuer n’était pas une décision à prendre à la légère. Sa mission, c’était plus compliqué. Aux yeux de la loi, elle allait commettre un délit. Aux yeux de certains, un crime. Pour quelques-uns, son geste rendrait justice.
De toute façon, la loi, elle s’en foutait.
De toute façon, d’autres décidaient pour elle.
On l’avait réduite à ça. Un instrument. De précision. Aujourd’hui, la toundra lui appartenait. Les autres humains avaient commencé à se bourrer la gueule tôt en cette veille de midsommar, journée la plus alcoolisée de l’année en Suède, qui irait crescendo jusqu’à cette nuit
sans nuit.
Elle n’était pas seule pour autant.
Des nuées de moustiques tentaient de la harceler. Tentaient. Anja était une créature de sang-froid. Dont l’esprit bouillonnait. Mais ça, les moustiques ne le savaient pas.
Et s’ils avaient eu accès à son esprit, ils s’y seraient brûlé les ailes. Tout, sinon, dans son être, respirait la maîtrise. Elle savait, par exemple, qu’avant de partir sur la toundra pour ce type de mission, il fallait arrêter de boire de l’alcool trois jours auparavant. Prendre un sauna pour s’épurer. Le reste, c’était dans la tête. Ça ne s’épurait pas. Pas à sa connaissance. Des moustiques pouvaient quand même s’attaquer à elle, passer outre le gel de protection dont elle se badigeonnait les habits, les mains et le visage. Mais elle avait décidé une bonne fois pour toutes que les moustiques pouvaient bien tenter de la bouffer, elle ne leur accorderait pas la moindre attention.
Plus rien dans ce monde ne peut me bouffer…
Impassible. Elle décolla l’œil de la lunette de visée, observa trois moustiques picorer sa main droite posée sur du lichen sec comme des débris de verre, leur souffla dessus. Elle secoua la tête pour chasser d’autres bestioles qui s’étaient accrochées dans ses mèches de cheveux dépassant de son bob marron. Ou celles qui approchaient trop de ses oreilles, dont le battement supersonique des ailes avait raison de sa patience et de son ouïe.
On l’avait appelée deux jours plus tôt pour cette mission. “On.” Elle s’amusait elle-même de ce mystère. Au téléphone ou par SMS, on faisait preuve d’une prudence extrême pour parler de ces choses-là. Pas de nom, pas d’identification possible, des codes à tout va, de l’embrouille, des écrans de fumée. On lui avait fait comprendre qu’il fallait éliminer une menace. Nettoyer. Que le permis de la préfecture pour la chasse de protection arriverait trop tard, s’il arrivait, même pas sûr. Des coordonnées GPS approximatives. “On” savait qu’elle s’en débrouillerait.
Horizon libre. Une ombre la survola. Un corbeau. Elle pensa à ce qu’on chuchotait. Seule avec les corbeaux. Ils peuvent être témoins, mais ils ne parlent pas.
Quand on se consacrait à ce qu’elle faisait, il fallait être seule avec les corbeaux.
Anja se releva, ramassa sa carabine, ajusta les bretelles de son sac à dos. Le soleil brillait derrière des nuages qui disparaîtraient bientôt. Elle reprit sa marche vers le col à trois cents mètres de là, en longeant le ruisseau presque à sec. À peine avait-elle vu une quinzaine de rennes et de faons nés quelques semaines plus tôt, qui devaient avoir trouvé un coin plus frais pour se mettre à l’abri des moustiques en attendant de grimper toujours plus haut pour leur échapper. Anja se demandait s’il y aurait aussi un coin comme ça pour elle, très haut, pour échapper aux hommes. Elle avait vérifié avec son commanditaire qu’aucun éleveur ne se trouverait dans les parages. On ne pouvait pas se permettre le moindre témoin. À part les corbeaux. Elle n’avait pas discuté la décision. C’est pour ça qu’on l’appelait, elle. Elle ne discutait pas. Elle acceptait les missions.
Dans le milieu, on la trouvait bizarre. Inquiétante même. Mais on trouvait bien pratique qu’elle soit là. Et qu’elle ne discute pas. Elle prenait l’argent, toujours sans un mot. Elle laissait les autres chuchoter sur son passage. Et ne se retournait pas. Les méprisait, eux, les petits, les minables. Elle se demandait parfois pourquoi elle restait là. Pour la toundra peut-être. Pour Elena, sa grand-mère. Ce qui revenait au même. Elena, l’esprit de la toundra. La seule qui la retenait ici.
Elle parvint en haut du col, s’accroupit. Maîtrise, contrôle. Silence. Elle devait approcher de la zone. Elle s’allongea, se mit en position, œil collé à la lunette, trépied calé. Là-bas. Elle le suivait depuis hier. Il fatiguait. Plus vite qu’elle.
Le loup sembla regarder dans sa direction. Même si elle faisait en principe attention à ne pas se mettre dans le vent. La nature jouait des tours, souvent. Il n’entrait pas dans la catégorie des loups les plus impressionnants qu’elle ait vus. Dans ce coin, leur présence était plutôt rare. Celui-ci était solitaire. Chassé sans doute d’une meute où il dérangeait. Un erratique. Comportement plus compliqué. Elle respectait cet état. C’est peut-être comme ça qu’on la voyait aussi. Une erratique. Le loup chassait seul, sans aide. Raison pour laquelle il était maigre. Elle l’avait baptisé ce matin, après avoir eu le temps de l’observer quelques heures au milieu de la nuit sans nuit pour la première fois. Il filait par moments plus vite que le vent. Elle l’avait appelé Bieggolmai, le dieu du vent chez les Sami. Au moment où ce nom lui était venu, elle avait rassemblé trois pierres en triangle et les avait coiffées d’une quatrième pierre plus pointue dressée vers le ciel. Elle avait répété le nom du loup. Puis elle avait balayé les pierres de la main. C’était la troisième fois qu’elle se livrait à ce rituel. Elle l’avait inventé par réaction aux missions qu’on lui confiait. Ceux qui voulaient qu’elle abatte clandestinement des loups vouaient à l’animal une haine farouche. Elle ne ressentait rien de tel envers lui. T’es juste baisé par cette société, comme moi.
Comme bien des Sami, elle avait grandi en baignant dans un monde de mythologie. Elle connaissait tout du rituel presque sacré qui entourait dans les temps anciens la chasse à l’ours, véritable divinité chez les Sami. Mais le loup ? Rien pour lui. Un prédateur à éliminer. Injustice. Qu’on éprouve de la haine pour le glouton vicieux qui dévorait les rennes vivants, elle comprenait. Mais le loup ? On n’avait jamais vu un loup vicieux. Alors elle avait inventé son propre rituel pour la chasse au loup. L’ours, on le respectait pour sa taille, sa force, sa gueule, sa posture. La loi du plus fort, ça, on respecte. Monde de merde. Le loup, à qui on prêtait les pires desseins, n’avait droit qu’au mépris. Anja rétablissait une forme d’équilibre, à sa façon, pour échapper à l’étouffement dans lequel la société l’enfermait, et tant pis si personne n’en savait rien. Elle savait seulement qu’elle remplirait sa mission, sans haine ni passion, en conscience. Et qu’elle emmerdait le monde entier. Qu’elle avait vingt-six ans et qu’il ne fallait pas la faire chier.
Le site dédié à la naissance de Bieggolmai le loup se trouvait à cinq heures de marche à présent. Cinq heures à le suivre. Elle se découpa une tranche de renne séché qu’elle mastiqua lentement, s’imprégnant de la saveur salée de la viande qui résistait à sa morsure délicate, en regardant les rennes qui disparaissaient de l’autre côté d’un sommet aplani où la nature ne dépassait pas le ras du sol, but une gorgée d’eau en se concentrant sur l’écoulement du ruisseau qui filait en contrebas. Sa façon à elle de rendre sa dignité à la nature qui la nourrissait. Je te vois. Je t’écoute. Merci au renne. Merci à l’eau. Elle ne croyait pas en Dieu. Avait créé sa propre religion. Bieggolmai en serait le dernier converti, un disciple de l’ombre. Comme les rennes qu’il avait dévorés et qui lui devaient sa sentence sacrificielle.
À perte de vue, des montagnes planes écrasées de chaleur, des vallées d’ombre et de bouleaux nains, plus loin des monts qui s’élevaient au-dessus de la masse, là où les rennes se dirigeaient. Là où Bieggolmai le loup suivait.
À cette distance, elle pouvait le tirer. Elle l’avait déjà fait. Conditions météo parfaites. Bieggolmai avait-il déjà été confronté à la fureur de l’homme ? De ce qu’elle avait pu voir, il ne portait pas de capteur GPS. Ça facilitait sa tâche. Notamment pour après. Par rapport à l’enquête qui ne manquerait pas d’être ouverte.
Elle reprit sa marche. Bieggolmai l’erratique, fils du vent plus vif que le vent, lui tournait le dos. Il filait avec élégance sur les roches couvertes de lichen rabougri dont le vert allait du pastel au foncé. Anja avançait, en économisant ses forces, accompagnée du bourdonnement des nuées de moustiques qui semblaient s’agacer de son indifférence à leur égard, eux qui faisaient régner la terreur sur la toundra, rendant fous les bêtes et les hommes. Mais les moustiques, comme les hommes, ne l’écoutaient pas. Sinon ils auraient su que plus rien ne lui importait. Que plus rien de ce monde ne pouvait la bouffer.
Elle considéra que la distance était raisonnable pour une tireuse comme elle. Un peu moins de cent soixantedix mètres. Personne aux alentours. Les rennes avaient disparu. Elle se mit en position, enleva le bob marron qui la protégeait du soleil. Bieggolmai s’était arrêté au pied d’un bouleau nain au tronc tordu à force de chercher une posture de survie sur cette terre aux hivers extrêmes. De sa position de tir, Anja surplombait le loup. Derrière lui et le bouleau, un rocher arrêterait sa balle blindée, qu’elle irait récupérer ensuite. Alignement parfait. Dans l’œil de la lunette de visée, l’erratique au pelage sombre attendait sa sentence. Le doigt d’Anja pressa lentement la détente.